• Épisode 2
Vrai ou faux ?
  • Rien de mieux qu'un écran pour calmer son enfant ?

    Avec Sophie Jehel - Maîtresse de conférence en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8, laboratoire CEMTI.

    Fiche réalisée en partenariat avec Louis Derrac.

    INFORMATIONS CLÉS

    La grande majorité des adultes est déjà consciente que ce n’est pas une bonne chose de mettre les tout-petits enfants devant la télévision et autres écrans. Donc bien sûr, le titre de l’épisode, « Rien de mieux qu’un écran pour calmer son enfant » doit être compris avec du second degré.

    D’où vient cette idée reçue ? Elle a d’abord été diffusée par les responsables de chaînes pour bébé. Par exemple : Baby first, lancée en 2007, avec comme argument de permettre aux parents de profiter d’un dîner entre amis tranquillement, en proposant à leurs enfants des contenus sans violence, avec des couleurs douces, des musiques douces.

    Ensuite, l’idée que les écrans calmeraient l’enfant est populaire car elle propose une solution technique à des questions éducatives difficiles. Par exemple, faire accepter à un jeune enfant que ses parents ne sont pas disponibles en permanence, ou encore les situations des mères isolées ou au foyer.

    Notre rapport aux technologies est traversé par une utopie de l’allègement de tâches compliquées par des outils techniques. Cependant, il faut être précautionneux sur les tâches éducatives car l’efficacité de ces outils techniques n’a pas été démontrée.

  • DÉMYSTIFIER LE MYTHE - STATISTIQUES, ÉTUDES, CHIFFRES QUI FONT CONSENSUS :

    L’O.M.S recommande de ne pas utiliser d’écran avant 2 ans, et au-delà de cet âge l’usage ne doit pas dépasser une heure par jour.

    Cependant les familles évoluent dans un environnement qui se numérise de plus en plus. La plupart des foyers disposent d’au moins un écran et ils sont souvent équipés de plusieurs appareils numériques.

    • Les parents sont de grands consommateurs d’écrans. Ils les utilisent très largement en présence des enfants. Ainsi, seuls 2% des parents n’en utilisent jamais en leur présence. (Source Étude – La parentalité à l’épreuve du numérique)

    En 2008, le ministère de la Santé a déclaré qu’il fallait éviter les écrans avant 3 ans, car les objets connectés ne sont pas adaptés à l’intelligence de ce public.

    • Les moins de 2 ans sont peu susceptibles « d’apprendre » des écrans à cet âge : la télévision peut capter l’attention des bébés, mais sans qu’ils puissent s’approprier le contenu du programme. (Source : Être parent à l’ère du numérique 2020, Béatrice Piron)
    • De plus, des chercheurs ont montré que les tout- petits ne peuvent pas comprendre tous les montages. Exemples : flash-back, accélération
    • Une potentielle explication (mais qui suscite encore débat) est que les nourrissons et les très jeunes enfants n’ont pas encore développé les compétences pour transférer un nouvel apprentissage d’une représentation 2D à un objet 3D (de l’écran à la vie réelle). (Sources : Barr R., 2010, Transfer of learning between 2D and 3D sources during infancy: Informing theory and practice 2015, They can interact but can they learn ? Toddlers’ transfer learning from touch-screens and television, Journal of Experimental Child Psychology)
    • En effet, le H.C.S.P (Haut conseil de santé publique) recommande de proscrire les écrans avant l’âge de 3 ans si les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies, mais aussi d’interdire les écrans 3D pour les enfants âgés de moins 5 ans. (Source H.C.S.P, Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans)

    Le rapport des enfants aux écrans dépend de leur tranche d’âge et par conséquent du stade de développement cognitif.

    • Les enfants d’âge préscolaire (2 à 6 ans)

    Entre 2 et 6 ans, l’enfant commence à prendre conscience que les écrans sont une fenêtre sur un monde virtuel. Les parents et enfants plus âgés peuvent donc commencer à sensibiliser l’enfant dans un cadre de jeu et d’éveil et l’accompagner dans la découverte de l’environnement réel à travers des images numériques. À cette période, les enfants peuvent également avoir des usages pédagogiques positifs des écrans à l’école maternelle (éveil et exercice des capacités d’attention visuelle sélective, dénombrement, catégorisation, etc.)

    • Les enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans)

    C’est la période de l’école élémentaire et celle du plein essor du développement cognitif (lecture, calcul, notions mathématiques, etc.). À ce stade comme à celui précédent, il faut donc éduquer à une pratique modérée et progressivement autorégulée (dans le sens où l’enfant apprend progressivement à se fixer ses propres limites, avec moins de contrôle de l’adulte), au service du développement cognitif, en préservant l’équilibre et la santé des enfants. Cette éducation doit se faire à la maison comme à l’école.

    • Les adolescents (12 à 18 ans)

    Les écrans sont désormais omniprésents dans la vie et l’intimité des ados. L’adolescence est une période de grand potentiel cognitif, mais aussi de fragilité émotionnelle. C’est notamment pour cette raison que l’éducation et le contrôle des parents concernant les écrans restent essentiels autant qu’ils l’étaient chez les bébés et enfants.

    Source : L’enfant et les écrans - L’Académie des Sciences

  • LES ENJEUX AUTOUR DE CETTE IDÉE REÇUE :

    La santé et développement de l’enfant

    • Selon plusieurs études reprises par Madame Jehel, les « écrans » (au sens physique du terme) font écran aux relations entre les enfants et les adultes qui s’occupent d’eux (parents, éducateurs,...).
    • Le petit enfant a besoin, pour son développement, de bouger, de se déplacer, d’utiliser ses mains et ses pieds, d’apprendre à parler, et tout cela en interaction réelle avec l’humain qui doit le reprendre, le corriger.

    Le brouillage des repères du fait de l’interactivité des médias numériques et des smartphones.

    • Il ne faut pas simplifier la distinction qu’il y aurait entre l’écran passif de la télévision et l’écran actif de la tablette. C’est beaucoup plus subtil que ça, des usages autour de la télévision peuvent être tout à fait actifs et au contraire on peut visionner des vidéos passivement sur tablette. Et donc, l’argument « Les tablettes sont plus adaptées aux enfants » n’a aucune validité selon notre experte, qui questionne la valorisation du fait de balayer l’écran avec ses doigts.
    • Sophie Jehel, comme une très grande majorité d’experts du sujet, fait une distinction en fonction de l’âge. À partir de 2 ans, l’audiovisuel peut permettre aux enfants d’acquérir du langage. En effet, selon l’experte le rapport des enfants aux écrans dépend de leur tranche d’âge et par conséquent du stade de développement cognitif.
    • Cependant l’enfant doit exercer d’autres activités (sport, lecture, jeux...), l’important c’est de cultiver la variété.

    Les enjeux diffèrent selon les milieux sociaux, habitudes et cultures parentales

    • L’experte décèle une différence de position et de pratique vis à vis des outils numériques selon la classe sociale. En effet, les ménages favorisés feront plus attention aux usages, et pourront diversifier les activités de leurs enfants. Ils s’en occupent en général moins longtemps, et peuvent donc concentrer leurs efforts sur ces temps dédiés. L’outil numérique ici est donc bien un potentiel « facilitant » pour les parents, et les parents seuls. Les parents de milieux populaires, y sont logiquement les plus sensibles.
    • Les parents n’achètent pas les mêmes jouets, pas les mêmes livres, ne proposent pas les mêmes activités à leurs enfants selon leurs catégories socio-professionnelles. Ils n’ont pas la même place non plus. Dans les milieux favorisés, on a plus de place, on autorise plus de jouets qui s’entassent un peu partout, alors que dans les milieux plus populaires, les outils numériques sont très pratiques car ils limitent l’encombrement.

    CAPSULE DE LA CONFÉRENCE DU 06/06/22

    Retrouvez un condensé de l’intervention de Sophie Jehel sur l’idée reçue : « Rien de mieux qu’un écran pour calmer son enfant ! ».

    Enregistrement de 7 minutes.

  • Où trouver le replay ?

    Accédez à la rediffusion de la conférence avec Sophie Jehel (durée : 50 min) au format podcast en cliquant ici !

  • LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERTE

    1. L’École doit chercher à redonner confiance et aider les parents à trouver des lieux sécurisés, sans média, où leurs enfants peuvent jouer. Les autres acteurs de l’éducation peuvent prendre toute leur part en mettant à disposition eux aussi de tels lieux, en les animant, en intégrant les parents. Il faut tenir compte des horaires, de l’emplacement de ces lieux, de leur communication aux parents.
    2. Il est nécessaire de développer l’éducation à l’image : apprendre à parler avec les images, mettre en parole les images.
    3. Les parents doivent prendre conscience du fait que l’enfant a besoin de relations et d’échanges verbaux avec eux. Ceux-ci doivent donc limiter leur propre temps d’écran pour en passer avec leurs enfants.
    4. Les nouvelles technologies ne doivent pas être pensées comme des objets qui remplacent les activités ludiques traditionnelles. Ils ne les remplacent pas, mais s’y ajoutent. C’est pourquoi il faut varier les activités pratiquées par un enfant, favoriser l’alternance chez le jeune enfant puis à tout âge !
    5. Attention à la « technoférence » : les parents sont eux-même très pris par les écosystèmes de leurs smartphones ou ordinateurs. Or, les enfants ont besoin d’échange verbaux avec les parents donc il faut aussi limiter le temps d’écran des parents. Ce qui ne veut pas dire les supprimer totalement mais simplement savoir quand les utiliser et pourquoi (par ex : regarder la télévision une fois les enfants couchés).

    EN PRATIQUE : RÉALISER UN TEMPS DE RENCONTRE À PARTIR DE CETTE CONFERENCE

    • Public : parents, professionnels de l’Éducation nationale, autres partenaires de la communauté éducative ;
    • Temps de préparation : 1 heure ; Temps de rencontre : 1 heure ;
    • Nombre de participants : 20 maximum pour favoriser les échanges

    Proposition de déroulé du temps de rencontre

  • VOCABULAIRE À RETENIR

    • Temps d’écran passif : peut être assimilé au fait que les enfants regardent des boucles de vidéos sur YouTube ou s’assoient devant la télévision pour regarder des films.
    • Temps d’écran actif : implique une interaction avec le contenu. Les jeux informatiques qui impliquent la résolution de problèmes et les cours en ligne font partie des activités populaires de ce type.
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  • Ressources pour aller plus loin

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