Majorité numérique à 15 ans : que dit la loi ?
Publié le 03 mai 2023, mis à jour le 17 mai 2023-
Carte Blanche à Xavier Delporte
Xavier Delporte est directeur des relations avec les publics de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. La CNIL est un organisme régulateur des données personnelles. Elle accompagne les professionnels dans leur mise en conformité et aide les particuliers à maîtriser leurs données et exercer leurs droits.
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Ce que dit la loi
Dans l’Union européenne, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) a prévu un âge minimal pour considérer le consentement exprimé seul par un mineur comme suffisant. À compter de cet âge, le mineur peut accepter que des acteurs traitent des données le concernant. Chaque État membre a eu la liberté de définir cet âge, à fixer entre 13 et 16 ans.
En France, l'article 45 de la loi Informatique & Libertés prévoit qu’un mineur peut consentir seul à certaines opérations en ligne sur ses données à compter de 15 ans.
Mais que recouvre précisément le « traitement des données » ? Juridiquement, cela consiste en toute opération portant sur les données permettant d’identifier, directement ou indirectement, une personne physique, quel que soit le procédé utilisé : collecter, enregistrer, conserver, modifier, interconnecter, transmettre.
Lorsque le mineur a moins de 15 ans, ces opérations ne sont licites que si le consentement a été donné conjointement par le mineur et un titulaire de l’autorité parentale.
Le responsable du traitement de ces données doit fournir en des termes clairs, simples, aisément compréhensibles par le mineur, des informations sur les opérations qu’il propose et sur les droits dont le jeune dispose à cet égard.
Une proposition de loi en cours d'examen au Parlement vise à compléter ce cadre juridique, en fixant une « majorité numérique » pour l'inscription des mineurs sur les réseaux sociaux.
Ce texte vise à contraindre les réseaux sociaux à faire obstacle à l’inscription des mineurs de moins de 15 ans, sauf consentement des parents. Les parents pourraient également demander la suppression du compte de leur enfant mineur, y compris âgé de plus de 15 ans, sur un réseau social.
Avant ou après 15 ans : quelle différence de traitement ?En ligne, consciemment ou pas, nous sommes tous amenés à fournir des données personnelles : notre prénom, notre nom, notre visage, notre voix, notre adresse IP, ou tout autre information décrivant notre localisation, nos préférences...
Quand ils se connectent, les enfants reproduisent ces pratiques, sans même se rendre compte qu’ils transmettent ainsi des données à des personnes ou organismes qu’ils ne connaissent pas toujours ; et que ces derniers peuvent les utiliser pour des objectifs commerciaux voire non identifiés.
La loi Informatique & Libertés prévoit que les parents doivent être associés aux décisions de leur enfant sur la manière dont ses données sont traitées lorsqu’un tel usage est soumis à la règle du consentement (ex : utilisation commerciale des données, telle que la transmission à des partenaires ; profilage, etc.).
Mais cette règle n'a pas d'incidence sur le droit général des contrats, qui interdit aux mineurs de signer un contrat, sauf si cela correspond à ce qui pourrait être considéré par le juge comme un « acte courant ». Bien qu'aucune décision de justice n'évoque à ce jour les contrats conclus en ligne par un mineur de moins de 15 ans, les critères soulevés par le juge pour définir un « acte courant » mettent habituellement l'accent sur l'utilité de cet acte au regard de l'intérêt de l'enfant, des risques encourus, et des habitudes du mineur et de sa famille.
La CNIL estime que les mineurs doivent pouvoir exercer seuls les droits sur leurs données personnelles, notamment sur les réseaux sociaux, plateformes de jeux et de partage de vidéos.
Cette capacité d’agir de manière autonome, c’est-à-dire sans intervention des parents, est sans préjudice de la possibilité pour ces derniers d’exercer les droits au nom de leur enfant et de l’accompagner dans cette démarche.
Ainsi, au même titre que les adultes, les enfants doivent être informés par les plateformes du sort réservé aux données les concernant lorsqu’elles sont ainsi collectées, stockées, partagées, etc. Ils doivent pouvoir également les vérifier, rectifier, effacer ou emporter. Ils doivent aussi pouvoir demander le déréférencement d’un contenu les concernant publié sur un moteur de recherche ou demander une intervention humaine dans le traitement algorithmique de leurs données. Parfois, ils peuvent s’opposer aux traitements envisagés ou en cours.
Pour aller plus loin : Les droits pour maîtriser vos données personnelles, Respecter les droits des personnes
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Après 15 ans, parce qu’ils sont désireux de plus d’indépendance et souvent plus matures, la loi reconnaît aux jeunes une certaine autonomie dans l’organisation de leur vie en ligne.
Cela n’exclut pas que les parents puissent intervenir pour protéger la vie privée de leurs enfants lorsque la situation l’exige.
Parents, éducateurs : accompagner vers l'autonomie numérique ?Le dialogue constant entre les parents et les enfants est la toute première étape pour créer un socle de développement de la confiance et l’autonomie dans la vie numérique.
Quelques sujets à aborder pour accompagner efficacement des jeunes :
- Comprendre le sujet de la vie privée en ligne, ses contours et implications, c'est déjà savoir ce que sont les données personnelles, et notamment celles considérées par la loi comme sensibles (religion, santé, opinions politiques, données biométriques, etc.). Lorsque ces notions sont acquises, il est indispensable de savoir les protéger. : savoir comment créer des mots de passe sécurisés, comment les stocker par exemple.
- Comprendre les systèmes d'influence sur Internet, liés à l'architecture du web : en effet, les données personnelles que nous renseignons, nos clics et commentaires sont pris en compte par les algorithmes pour nous proposer des contenus afférents, et nous retenir autant que possible en ligne.
- Trouver l'équilibre entre les propositions faites par les algorithmes, basées sur les renseignements que nous avons fournis sur nous (données personnelles) et chacun de nos clics et commentaires (traces), et les recherches que l'on effectue de son propre chef. Ce processus volontaire permet de rester actif pendant sa navigation et de choisir plutôt que de subir.
Ce que l'on dépose comme traces sur soi en ligne est à la fois visible et invisible. Nos empreintes numériques sont soumises à interprétations et l'ensemble de ce système est difficile à maîtriser. Pourtant, cela peut avoir des conséquences dans le temps, sur nos vies.
Pour aller plus loin : Tous ensemble, prudence sur Internet ! Les ressources pour les 8 - 10 ans
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